
Christina vous êtes diplômée en psychologie, en journalisme et vous êtes auteure compositrice, poète et chanteuse de renommée internationale, vous nous proposez une autre interprétation d’Andromède ?
Dans la mythologie grecque, Andromède est une princesse des Ethiopies antiques. Fille du roi Céphée, elle est victime de l’orgueil de sa mère Cassiopée. Exposée sur un rocher pour y être dévorée par un monstre marin, elle est sauvée de justesse par Persée dont elle deviendra l’épouse. Si j’ai écrit à propos de cette histoire c’est que je pense qu’Andromède a beaucoup à apporter aujourd’hui, elle est une figure unique, Persée et Andromède, c’est le premier couple mixte dans les Métamorphoses d’Ovide ; Andromède c’est le triomphe de la douceur. Si j’écris des poèmes, des histoires, si je les chante et les mets en œuvre avec la musique c’est qu’il s’agit de passion et aussi de transmission. Dans ma dernière réalisation Visages brûlés j’évoque ce mythe de Persée et d’Andromède.
Je vous donne rendez-vous le 1er février à 15h à l’auditorium de la bibliothèque centrale de Tours en 2025, année de mes 25 ans de carrière. Avec l’exceptionnelle présentation sous vitrine dans l’auditorium, pour cette occasion, de manuscrits de Michel de Marolles (17ème siècle) né à Genillé, à l’origine de la collection d’estampes de la Bibliothèque nationale de France, dont je me suis inspirée.

Comment est venue cette passion du chant et de la musique ?
C’est arrivé tardivement. D’abord il y a eu la poésie et ensuite la musique. La poésie c’était à 11 ans, je lisais beaucoup mais j’ai commencé à écrire au décès de mon frère aîné, la musique c’est beaucoup plus tard, au cours de mes études. J’étais à Aix en Provence, je m’étais inscrite dans un choeur de musique classique, j’ai découvert ce répertoire, j’ai souhaité plus tard aller au-delà de cette rencontre et de cette expérience en m’intéressant à d’autres courants. J’avais 19 ans.
Comme beaucoup d’artistes vous êtes issue d’une famille d’artistes ?
Pas vraiment, je viens d’une famille où, comme dans beaucoup de familles, être une artiste n’était pas considéré comme un métier viable, vie de bohême qui ne rassure pas les parents. Je suis née à Paris d’une mère martiniquaise et d’un père ivoirien. Je suis arrivée en Côte d’Ivoire à l’âge de 2 ans, j’y suis restée jusqu’au bac, puis j’ai poursuivi mes études en France. J’ai commencé à chanter comme un hobby. Avec un diplôme en psychologie et un autre de journaliste en poche, je suis revenue en Côte d’Ivoire. J’ai alors travaillé comme reporter, consultante puis obtenu un CDI dans un centre international de formation pour les cadres en qualité de documentaliste mais je me suis rendu compte que le chant et la musique m’étaient indispensables, alors j’ai démissionné pour chanter et vivre de la musique. Je n’avais aucun réseau dans le milieu artistique alors j’ai commencé à chanter dans la rue à Abidjan. A l’époque ce n’était pas courant de chanter ainsi, ce n’était pas vraiment un moyen de subsistance, je vivais chez mes parents. C’est à cette période que j’ai fait la rencontre de musiciens qui m’ont mis en relation avec des studios, j’ai postulé pour être produite mais sans succès. Je proposais une musique à textes que je composais moi-même, cela ne correspondait pas à la musique commerciale ou de cabaret que l’on pouvait entendre dans les bars et restaurants.
En 2000, j’ai autoproduit mon premier album, ensuite j’ai démarché les labels pour me faire connaître. Le label le plus important que j’avais prospecté en dernier m’a acceptée. Il s’agissait d’une franchise de la compagnie EMI pour la Côte d’Ivoire. J’ai participé également à un concours ouest-africain de chant et j’ai remporté le premier prix.
Et puis, il y a eu le coup d’État, la vie politique est devenue instable, les actes de violence se sont multipliés, l’usine de pressage de disques a brûlé, les contrats des artistes aussi, le responsable du label a mis fin aux nouveaux contrats. La situation politique s’est aggravée, les pillages étaient plus violents, le Président Chirac lance alors en 2004 le rapatriement des Français. Ma mère était déjà en Martinique, j’y suis rapatriée et je décide de recommencer tout à zéro. Nous sommes en 2004.
Pour entreprendre ainsi et recommencer malgré toutes ces difficultés il faut avoir le courage, être tenace, avoir l’esprit d’entreprendre. Cette capacité vient probablement de votre mère ?
Effectivement, les parents transmettent des forces et parfois aussi des faiblesses. Mon départ n’a pas été volontaire, cela a contribué à rendre mon adaptation plus complexe. Il me faut alors d’abord découvrir le marché musical de la Martinique. C’est à ce moment que se confirme mon concept musical.
Ce concept musical c’est d’être une chanteuse à voix ? J’ai noté que vous êtes accompagnée de quelques musiciens et principalement le piano, la guitare et le djembé. C’est ça le Christina Goh Concept ?
En Côte d’Ivoire ce fut la période de genèse de mon concept, chaque note de musique souligne le mot, la musique ne sert que le texte. J’utilise ma voix comme un instrument à part entière. J’ai développé une technique vocale qui s’inspire aussi de techniques de chants tribaux de différents continents. Vocaliste de blues, je place ma voix en fonction des instruments. J’ai beaucoup travaillé avec le djembé comme instrument rythmique hors de son contexte traditionnel, également avec d’autres instruments particuliers comme le tambour bèlè ou encore l’accordéon, la bombarde, et toujours les instruments à cordes. Particulièrement la guitare électrique.
Après environ cinq années passées en Martinique ma musique est de plus en plus remarquée. Après les bars, restaurants, puis les casinos, je participe aux festivals de communes, pour gagner ma vie et je me produis moi-même. Etant auteure-compositrice, mes sources de revenus sont variées. Ma musique est finalement diffusée en télévision puis à l’international sur les radios francophones de plusieurs continents, je participe à des festivals de renom. Et c’est de Martinique que j’assure mes premières tournées en métropole et à l’international. Remarquée après un premier concert en théâtre parisien, il m’est proposé une programmation au festival d’Avignon par le Laurette Théâtre. Le spectacle s’intitule Christina Goh Concept. Nous sommes en 2010.
2010 est une année charnière J’ai de plus en plus de sollicitations, à chaque fois il faut revenir dans l’hexagone depuis Fort de France. Il me fallait choisir un endroit pas très loin de Paris pour pouvoir répondre plus facilement aux collaborations. J’aime beaucoup Balzac, alors je choisis la Touraine. J’évite cependant à cette période d’y réaliser des concerts, c’est ma région d’adoption, celle où je me ressource. Quelques rares concerts sont cependant réalisés en Touraine, il s’agit alors d’actions bénévoles réalisées dans les hôpitaux et des centres spécialisés pour adultes handicapés. Deux exceptions toutefois à cette époque : les 14 ans du concept en 2015, DVD réalisé au Petit Faucheux distribué à l’international et la célébration des 220 ans de Balzac en 2019.
Après une pause imposée lors de la période du COVID ou j’ai partagé mes créations par Internet, je reprends le présentiel dès l’ouverture des frontières. Mais désormais une part de mon activité s’affirme dans le domaine du mieux-être. J’avais déjà initié The MORE OF US PROJECT dès 2014, qui recense toutes les bonnes nouvelles des grands médias. J’avais envie de créer et d’animer un média Internet avec l’objectif de valoriser les bonnes nouvelles. Je m’y suis investi durant sept années pour relayer une actualité médiatique plus optimiste et moins morose. Et en 2019 j’ai souhaité créer UT FORTIS, un projet international de valorisation : l’art et le patrimoine culturel au service de la prévention du suicide suite à l’appel et l’état d’urgence. En France, le spectacle réalisé à la Salle Thélème de l’Université de Tours, en partenariat avec l’Institut de Touraine et le Réseau VIES 37 pour la prévention du suicide est alors diffusé sur TV Tours-Val de Loire en 2021. Le film est mis à disposition gratuitement pour les associations et structures dédiées à la prévention du suicide.

De 2018 à 2022, je m’investis dans une troisième initiative en parallèle. Il s’agit du concours international de poésie qui s’est construit au fil de 5 années passées (pour le changement de décennie) à récolter des poèmes selon des consignes précises, pour tenter de comprendre l’évolution du monde et se projeter dans le futur. Il en résulte un ouvrage mis à disposition qui compare les grands événements sociétaux avec le ressenti des poètes nominés et lauréats de tous les continents. LA DIFFERENCE aura permis des expositions en ligne et des ateliers gratuits en présentiel liées à la thématique de la différence. Nous avons recueilli les textes à thème de plusieurs centaines de poèmes pour sélectionner environ 60 écrits, 60 poètes, 18000 mots d’auteurs confirmés ou amateurs avec le concours d’un jury composé de sommités de la poésie de différents continents. Ce travail a été une occasion de collaborer avec notamment de nombreuses structures culturelles nationales. Avec l’aide de la poésie, il nous a été possible de deviner des risques et de produire des alertes.
Début janvier 2025 c’était la sortie d’une vidéo artistique intitulée Visages brûlés tournée à Candes-St-Martin par le réalisateur Baptiste Auffray.
Oui, Andromède c’est le 7eme album, c’est un album spécial. J’ai redécouvert Andromède en écoutant une interview de Léopold Sédar Senghor. Je préparais alors une conférence “Poésie, fondatrice d’être” selon Bonnefoy, et j’écoute cette interview qui évoque le mythe. Je me plonge plus tard dans l’histoire et ce que je découvre me semble tellement exceptionnel que je décide de faire cet album.
J’ai abordé plusieurs thématiques différentes avec les précédents opus mais ici, l’histoire s’inspire des livres 4 et 5 des Métamorphoses (Ovide), un long poème dont la composition date de la naissance de l’Empire romain, qui comporte 15 livres et regroupe plusieurs centaines de récits courts sur le thème des métamorphoses issus de la mythologie gréco-romaine. Dans les livres 4 et 5, il s’agit de la rencontre de Persée avec Andromède, héroïne discrète. C’est cette discrétion qui m’a intéressée, qui est à l’opposé de ce qui est attendu d’une héroïne. Cette histoire pour moi, était occultée par la popularité de Persée et de Méduse, il m’a semblé intéressant de faire la lumière sur Andromède dont l’histoire m’apparaît comme étant curieusement liée à la Touraine.
Lorsque je réalise un album, l’environnement est très important, rien n’est fait au hasard, il y beaucoup de symboles, beaucoup de codes et plusieurs niveaux de compréhension possibles pour être accessible à tous. L ‘estampe qui est fidèle à la description d’Andromède par Ovide, a été recueillie par Michel de Marolles, né en Touraine à Genillé en 1600. Il est à l’origine de la collection d’estampes de la Bibliothèque nationale de France.
Ce lien est matérialisé dans la représentation de l’univers de mon album.
Dans ce cadre, concernant les visuels liés à l’album et liés aux textes des chansons, je m’allie avec deux experts, Sabine Soury-Poussard photographe sensible notamment au patrimoine et aux vieilles pierres. Je m’appuie également sur l’expertise du réalisateur Baptiste Auffray qui sait filmer avec art le détail. Le premier film musical dédié à l’album se déroule ainsi à Candes-Saint-martin et c’est le résultat d’une longue recherche. En effet, j’espère trouver des lieux qui pourraient symboliser le mieux ce que j’exprime en musique. Deux lieux, dans le cadre d’Andromède, ont retenu ma préférence, l’oppidum d’Amboise, un des plus vieux sites archéologiques de la région et Candes Saint-Martin. Nous nous situons ici sur des sites liés à l’antique, où la pierre et l’eau comptent, lieu de confluences. N’oublions pas comme la Touraine elle-même fut mer ancienne, à une autre époque, mer des faluns, peuplée de gigantesques créatures marines à l’image de celle qui aurait pu menacer Andromède.
J’ai réalisé des “lyrics videos” (paroles de chansons illustrées) mais le premier film musical de l’album Andromède, c’est Visages Brûlés, l’histoire d’un croisement de mondes, celui de Persée avec Andromède. C’est un peu aussi mon histoire avec la Touraine quand je la découvre à 14 ans en Côte d’Ivoire grâce à Balzac !
Merci Christina de nous faire découvrir et de nous faire rêver, c’est probablement une excellente façon d’apprendre et d’essayer à notre tour de contribuer au monde de demain. Et puisque c’est dans la rencontre et l’échange que l’on peut apporter cette contribution, vous nous donnez rendez-vous en concerconférence le 1er février à l’auditorium de la bibliothèque Centrale de Tours.
Il y aura aussi de la musique, je retracerai ma démarche artistique et vous présenterai les titres de mon album, ceux qui viendront, revivront avec moi les traces que j’ai suivies.



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Une interview qui révèle une artiste complète qui creuse l’histoire de l’humanité afin de nous permettre à nous qui la suivons, d’explorer un univers de merveilles, afin que nous y soyons ancrés. Belle histoire que celle d’Andromède! Merci à l’artiste Christina Goh.