10ème idée : Des maisons d’échanges de services et de savoirs entre les retraités et les jeunes ?

Pas uniquement dans mon quartier et pas seulement pour les personnes âgées mais il est vrai que c’est à mon quartier que je pense en premier, c’est celui que je connais le mieux. Dans mon activité je rencontre et j’échange avec de nouvelles personnes tous les jours, elles se sentent souvent seules, elles s’ennuient, elles aimeraient être plus utiles.

Ce sont des personnes en retraite ?

Oui pour celles qui sont disponibles et parfois seules mais je rencontre également beaucoup de jeunes femmes et de jeunes papas obligés de courir toute la journée. En plus de leurs activités professionnelles, ils doivent se rendre aux rendez-vous, aller chercher les enfants, faire des courses, préparer les repas…

Vous pensez que ces deux types de personnes peuvent s’entraider ?

Exactement. Vous ne trouvez pas que cette situation est triste et absurde ? Il y a un bon nombre de personnes disponibles qui peuvent donner du temps, et d’autres qui en manquent et qui doivent faire face à une charge mentale importante. Il manque une organisation pour les faire se rencontrer. Mon fils est grand maintenant, mais lorsqu’il était plus jeune il n’était pas facile de s’organiser pour participer aux réunions avec les enseignants, ou pour l’accompagner à des activités sportives et culturelles, l’emmener, aller le chercher etc. Je termine souvent mon travail à 19h et parfois 20H. J’aurai aimé pouvoir compter plus sur une personne pour me représenter, une amie, un ami, un voisin disponible qui a du temps et qui est de bon conseil. Je trouve qu’un bon nombre d’enfants traînent dans la rue car ils n’ont pas d’autre endroit pour aller en dehors de l’école et du domicile.

Comment imaginez-vous ces maisons d’accueil et de rencontres ?

Exactement comme un café. Il doit s’agir d’un bâtiment facile d’accès, visible, il ne faut pas que cela soit une salle au fond d’une cour ni d’un lieu qu’il faut deviner ou ouvert seulement deux heures par jour. Il doit être clairement identifié, avec une enseigne. On doit pouvoir y rentrer facilement lorsque l’on hésite, le centre social, l’association, la mairie ou l’État qui le finance doit se porter garante de la sécurité du lieu, il doit être animé et organisé.

Avez-vous identifié des lieux propices ?

Il existe parfois déjà des lieux municipaux qui pourraient être utilisés, les centres sociaux subventionnés par la ville disposent de locaux qui appartiennent à la ville, il y a des bibliothèques et des médiathèques. J’ai entendu parler d’une initiative à Tours mais lorsque parfois je passe devant, je n’y vois personne, je ne dois pas y passer aux heures d’ouverture. Il doit exister d’autres initiatives mais elles ne doivent pas être très nombreuses car je n’en entends pas parler. Cela pourrait-être des commerces disponibles, avec une vitrine. Et puis il y a les services publics numériques ou les Espaces France

Services.

Comment expliquer que ces lieux ne soient pas déjà identifiés, connus et fréquentés ?

J’imagine qu’ils sont trop spécialisés, peu structurés et pas organisés avec cet objectif d’accueillir et de faire se rencontrer. Vous savez Stephane, mon

bureau de poste est fermé le midi et ferme à 17h, il n’est pas facile pour moi d’aller chercher un colis. Dans une bibliothèque on s’y rend pour aller emprunter un livre, pas pour regarder un reportage à la télévision ou pour prendre le thé pourtant cela pourrait être possible. Et puis les horaires des établissements que je connais sont souvent les horaires de bureaux alors qu’il s’agit de lieux qui devraient pouvoir être fréquentés le soir et le week-end. Le lieu doit être facilement accessible et visible, avoir des horaires fixes, être animé par un responsable qui n’est pas bénévole mais qui organise la participation des bénévoles. Dans nos discussions nous avons évoqué la création de médiateurs de quartiers et de chefs scouts. Il doit être possible de regrouper ces activités avec celles qui existent déjà, limiter le nombre d’intervenants pour en limiter le coût.

Vous pensez que vous trouverez des bénévoles pour ce type de lieux ?

Aujourd’hui, le bénévolat n’implique plus suffisamment, le bénévole vient ou ne vient pas, on ne sait pas toujours s’il va venir vraiment. Il doit donc être

organisé par une personne qui n’est pas bénévole. J’aime bien cette idée de faire appel à un entrepreneur indépendant. Et puis c’est dans l’air du temps et c’est

beaucoup moins coûteux que l’emploi d’un salarié.

Je suis d’accord, l’information ne circule pas toujours bien, les échanges et les rencontres ne sont pas suffisamment encouragés. Je me souviens d’un président d’association de parents d’élèves d’un collège de Tours qui, ignorant qu’il existait un espace France-services tout proche, projetait de mettre en place un service pour aider les parents à utiliser le programme informatique de l’emploi du temps de leurs enfants.

Les exemples à propos de l’inadaptation des organisations existantes ne manquent pas. Récemment un ami, qui élève seul ses deux enfants, a eu un rendez-vous à France Travail mais il n’a pas trouvé de garde, il a dû s’y rendre avec eux. S’il avait dû se rendre à un entretien d’embauche en leur compagnie,

son embauche aurait peut-être été rendue plus difficile.

Comment pourrait-on appeler ces maisons de quartier ?

Je les appellerai les maisons de rencontres et d’échanges culturels. Elles pourraient devenir de véritables lieux d’activités et aussi un lieu pour éviter que

les enfants traînent parfois dans la rue sans rien avoir à faire. Il peut s’agir d’un bon moyen de capter leur attention. Ils pourraient y trouver des

recommandations, des conseils notamment des anciens et échanger des avis, des opinions. Certains pourraient y trouver une aide pour leurs devoirs, il doit y avoir une pièce où l’on peut travailler au calme. Les usagers pourraient également se rendre de temps en temps de petits services, réaliser une course,

rapporter un pack de bouteilles d’eau un peu lourd à porter etc.

Il s’agirait de créer des lieux spécifiques, cela pourrait être les « tiers lieux »

Oui, pour moi, de la façon décrite, ces tiers lieux n’existent pas ou pas encore. Les tiers lieux sont une appellation à la mode mais on est encore très

loin de l’expérience menée en Cévennes avec la Maison Commune de Florac. Si l’école ou la maison de retraite sont des lieux ponctuels de rencontres, ils ne

sont pas toujours des lieux adaptés pour être utilisés au quotidien. Il doit s’agir de lieux où l’on décide de se rendre, pas de lieux où l’on est contraint d’aller.

Et puis on doit pouvoir s’y rendre le dimanche et les jours fériés. La démarche de rencontre vers l’autre sans attendre qu’il vienne est importante et il ne faut

pas l’imposer et la rendre obligatoire. Elle traduit un état d’esprit que je trouve trop rare. Il faut encourager sans contraindre, savoir donner envie. Nous

vivons dans une société très individualiste. Il nous faut multiplier les occasions de rencontres et d’échanges dans une société où les relations sont aujourd’hui

trop dématérialisées et à distance. Il me semble que le projet prévu en haut de la Tranchée pourrait être un lieu intéressant, à condition qu’il contribue à mettre en place cette façon de voir les rencontres.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *