La conquête de l’exode urbain ou comment accompagner la réhumanisation, réenchanter, reconnecter l’homme avec la nature dans un environnement bas carboné.

Bonjour Louis Albert de Broglie. Vous êtes le descendant d’une famille noble française d’origine piémontaise (Broglia di Cheri) installée en France depuis le XVIIe siècle et élevée en 1742 au rang ducal, avec le titre de « duc de Broglie », et dans le Saint-Empire en 1757 à la dignité princière, avec le titre de « prince du Saint-Empire ». Il m’a été rapporté que vous aviez un ascendant qui serait à l’origine de la création de l’ordre des chevaliers de Malte, une organisation à l’origine de la fondation d’hôpitaux pour soigner et venir en aide aux démunis ?

Bonjour Stephane. Ma famille a servi le monde de la politique, de la diplomatie et de la culture mais je ne crois pas qu’elle comprenne de Grand Maitre au sein de cet Ordre millénaire, bien que le nom de Broglie soit cité dans le catalogue des Chevaliers de Malte. Je pense notamment à Eugène Marie Albert et Alphonse-Gabriel-Octave. Ma famille comprend des maréchaux de France, des présidents du conseil, cinq académiciens, un prix Nobel de physique mais pas de Grand Maitre.  

Je trouve plusieurs points communs entre vous, votre entreprise et cet Ordre devenu aujourd’hui une organisation à vocation caritative qui apporte secours aux démunis.  A Malte durant 250 ans, les chevaliers façonnèrent de nombreuses villes et villages en les dotant d’une structure urbanistique, réalisant d’importantes constructions comme « les Trois Cités de Malte ». A votre façon, vous aussi aujourd’hui vous semblez façonner une autre construction, un autre modèle de société avec cette idée qu’il faut réconcilier l’homme avec son cadre de vie. Vous œuvrer pour plus d’humanisme, de simplicité, d’équilibre et d’amour entre l’homme et la nature. Cela forge mon impression que vous entreprenez une autre profonde restauration pour tenter de soigner les maux de notre société. Votre passage du monde de la finance à celui de l’écologie est caractéristique de votre dévouement à cette cause.

Vous savez Stephane il s’agit de ma façon de voir l’avenir. Peut-être peut-on trouver des points communs avec les chevaliers, comme la solidarité et le partage. Pour l’écologue que je suis devenu, ce qui est important c’est de pouvoir apporter une contribution à cette transhumance du monde de la finance à la diversité végétale. Le Conservatoire National de la Tomate  que j’ai créé est une illustration de ce brevetage du vivant confronté à un monde qui voudrait contrôler l’existence humaine. L’achat de la maison Deyrolle que j’ai souhaité réaliser est un autre exemple. Deyrolle est une institution scientifique et pédagogique qui existe depuis presque deux siècles. Cette institution œuvre dans le domaine des sciences naturelles et de la pédagogie. Elle a notamment pour vocation de donner à voir mieux et plus les beautés de la nature. Deyrolle est engagé dans la pédagogie et l’art. L’art et la nature sont des moyens de se reconnecter au vivant et de savoir ce qui est essentiel au bon équilibre de l’homme. Il s’agit de contribuer à construire cet équilibre afin de permettre aux hommes d’être heureux ou plus heureux. Je trouve que Deyrolle illustre bien cette vision qui est la mienne, qui s’appuie sur les trois piliers que sont la nature, l’art et l’éducation, essentiels à tout écosystème et à sa préservation.

Avec mes amis des associations Rencontres et Échanges Professionnels et Oser Autrement, nous partageons également votre constat que l’accompagnement est de plus en plus indispensable. Il l’est aussi pour reconnecter l’homme à la nature. Cela me fait penser au scoutisme, l’apprentissage de valeurs, telles que la solidarité, l’entraide et le respect. Le scoutisme s’appuie sur des activités pratiques dans la nature.

Le scoutisme a effectivement cette particularité de faciliter la reconnexion avec la nature.  C’est un mouvement intéressant pour apporter des valeurs et apprendre la solidarité dans le travail et le partage.

Cela peut-être un apprentissage pour ceux qui rencontrent parfois des difficultés à trouver ce cadre dans leur famille. Seriez-vous favorable à la création de troupe scouts dans les cités ?

Bien sûr, peu importe d’ailleurs le type de mouvement, les jeunes citadins sont aujourd’hui trop éloignés de la nature. Je trouve que beaucoup sont abandonnés, livrés à eux-mêmes sans cadre pour les guider, sans méthode pour appréhender la vie. C’est la conséquence de l’exode rural et aussi d’une société de consommation remise en cause par la désindustrialisation et le chômage. J’ai le sentiment qu’ils sont empêchés de grandir et de s’investir dans le futur. Alors il se désintéressent de la vie.

Vous pensez que le temps de l’exode urbain est venu ?

C’est une idée, effectivement en repeuplant les villes et villages désertés on rapproche l’homme de son cadre naturel, on lui offre ainsi un cadre de vie plus agréable, moins de nuisances, la possibilité d’avoir un petit jardin, une famille. C’est une vie simple mais qui peut être agréable. En repeuplant on crée de nouveaux services, de nouveaux emplois. La pandémie de Covid a fait naître chez les citadins, notamment dans les métropoles, des aspirations à un cadre de vie plus vert.  Deyrolle, le Conservatoire national de la tomate sont des contributions à cette ambition que j’affectionne en faveur de la préservation du patrimoine naturel. Il s’agit d’élever les sciences naturelles au rang d’art, un sens du beau. Comment vivre bien sans la beauté de la nature ? C’est impossible. Nous le constatons aujourd’hui dans notre monde devenu plus violent, plus triste à vivre. Comment décarboner l’économie en faisant de la pédagogie ? Il nous faut innover, concevoir des modes de vie décarbonés autour de la solidarité et du partage. Et bien sûr à la campagne. Vous voyez beaucoup de nature dans le centre des villes Stephane ?

Hélas insuffisamment, nous construisons beaucoup, je trouve que nous entassons. Pourtant tous les départements de la côte Atlantique ont vu leur population sans cesse augmenter depuis une vingtaine d’années. Cette évolution ne résulte pas des naissances mais de l’exode urbain parisien. Ce sont des personnes qui disposent de moyens financiers pour réaliser leurs choix. Ce n’est pas toujours possible pour d’autres, plus hésitants ou pour les citadins de plus petites villes. Effectivement au-delà de l’encouragement, un accompagnement, une pédagogie semblent indispensables.

Dans l’éducation, il y a la transmission de la responsabilité individuelle et collective pour un territoire donné. On ne confie pas un système à l’État. Il nous faut recentrer le débat sur le sens et le rôle que nous voulons collectivement lui donner.  Tout lui est acquis aujourd’hui mais tout doit être donné. Il est difficile de réussir la transition écologique avec l’État tel qu’il fonctionne aujourd’hui. Il nous faut donc poursuivre la construction d’un écosystème au service de la préservation de la diversité et de la conduite du changement. Avec Deyrolle cela se traduit par des ouvrages, des expositions (Dessine-moi ta planète) des activités ludiques, et cela ne fait que commencer. Nous œuvrons désormais à l’aménagement du territoire bas carbone, avec l’idée de lutter contre la désertification et la déshumanisation des territoires. Il faut créer de l’économie territoriale, une économie dans laquelle les parents et les enfants peuvent être acteurs. Il s’agit de réenchanter la vie dans les petites villes, les petites communes. Cela peut prendre par exemple la forme d’une mixité entre les grandes exploitations agricoles et les petites. Il y a de la place pour tous.

Merci Louis Albert de Broglie d’avoir accepté d’échanger pour le magazine Internet Hebdotouraine à propos de votre passion et à l’occasion de ce week-end de Fête des Plantes et du Printemps dans votre château de la Bourdaisière. Il me semble que vous êtes un pionnier de l’exode urbain.  Je crois que nous n’avons pas fini d’entendre parler de cette transhumance. Si un de nos internautes souhaitait vous contacter pour échanger des idées et des avis à propos de votre approche de la réhumanisation, de reconnexion avec la nature, à propos de l’aménagement du territoire bas carbone, peut-il vous contacter ?

Avec plaisir Stephane, « c’est dans la rencontre et l’échange que l’on construit le monde de demain ». Il est possible de me contacter facilement par l’intermédiaire de Nathalie.

Nathalie Degroote – contact@lullabloo.com