Gérard, vous êtes devenu un des directeurs de castings les plus influents du cinéma français…

… votre nom est associé à de nombreux succès : Les Ch’tis, Camping, Asterix et Obélix, mais aussi au théâtre et également dans des registres différents, plus intimistes, dramatiques : « Un barrage contre le Pacifique », « Le Scaphandre et le Papillon ». Si je me souviens bien, vous rêviez également d’être comédien, à quel âge avez-vous été attiré par ce métier ? Comment s’est opéré ce changement de cap vers celui de directeur de casting ?

J’ai d’abord voulu être acteur, j’ai commencé par prendre des cours de théâtre, en 1972/73, j’avais alors 22 ans. J’ai participé à quelques tournages en tant que figurant, et très vite j’ai eu envie de passer à autre chose, cela a commencé voilà une trentaine d’années.

Qu’est ce qu’un directeur de casting ?

Le directeur de casting est un dénicheur de talent. Après avoir écouté les directives du réalisateur et du producteur et lu attentivement le scénario, il recherche les comédiens qui pourraient convenir aux différents rôles dont le film a besoin. C’est en 1983 que l’on me proposa de m’occuper de figurants. Le producteur voyant que j’étais très motivé, me proposa un autre casting figurants l’année suivante. Petit à petit on me donna plus de responsabilités en me demandant de trouver les silhouettes et les petits rôles et c’est en 1987 que je démarrais le casting « Acteurs » seconds rôles sur le film les Frères Pétard

Une fois lancé dans cette profession, quelles en ont été les points marquants ? Quelles sont les difficultés particulières que l’on peut rencontrer dans ce métier ?

Je dois avouer que j’ai encore eu beaucoup de chances dans mes rencontres, grâce aux réalisateurs avec qui je travaillais l’ascension fut assez rapide. Je passais d’Yves Robert, à Bertrand Blier, Claude Berri, Jean-Jacques Beineix pour ne citer qu’eux, et les films étant des succès la tâche devenait plus facile. Les difficultés principales étaient de convaincre le réalisateur et le producteur que mes choix et propositions pouvaient être judicieux, que par exemple cet acteur était à ses débuts, mais qu’il pourrait être une révélation. C’est un travail de persuasion, de conviction, de flair, il faut des qualités personnelles, de la sensibilité, savoir s’imprégner et maitriser le scénario, se mettre à la place de l’auteur, imaginer son ressenti et ses pensées lorsqu’il a écrit.

Choisir un(e) comédien (ne) plutôt qu’un (e) autre ne doit pas être chose facile. Quelles sont les qualités primordiales pour exercer votre profession ?

Le choix d’un comédien ou d’une comédienne relève de notre propre sensibilité, le fait de l’avoir vu(e) au Théâtre et de l’amener vers l’image est extrêmement important. Je parlais à l’instant de la maitrise du scénario, mais il faut également tenter de s’imprégner des caractéristiques du comédien. Je crois beaucoup en la sincérité chez l’acteur, bien sûr ça ne peut pas marcher à chaque fois, mais c’est une des qualités principales. Pour exercer notre métier, il faut être attentif, patient, voir beaucoup de spectacles aller dans les écoles d’art dramatique, être à l’affut d’un nouveau talent.

Quelles rencontres vous ont marquées dans votre métier ?

Les rencontres ont été extraordinaires et nombreuses, c’est un métier de relations humaines. Nous savons à quel point ces relations sont parfois complexes, c’est aussi un métier difficile mais bien sûr je dois beaucoup a Claude Berri qui m’a gardé comme casting pendant 20 ans, pour ses films et ceux qu’il produisait, Bertrand Blier, Alain Corneau, Jean-Jacques Beineix, Diane Kurys, Elia Kazan (même si son film n’a jamais vu le jour) Claude Sautet et Margot Capelier la créatrice du métier de casting en France.

Aujourd’hui avec l’arrivée de l’intelligence artificielle dans bien des aspects de la vie actuelle, comment voyez-vous l’évolution des domaines de la création (comme le cinéma) ? Est-il possible que les acteurs soient un jour remplacés par des personnes entièrement virtuelles ?

Evidemment l’intelligence artificielle est un danger pour le cinéma, mais je pense vraiment qu’il y aura encore des gens assez dingues dont je fais partie, pour croire qu’on ne remplacera jamais le vrai cinéma. Heureusement il y aura toujours des acteurs. Il n’y a rien d’humain dans l’IA et n’y a que l’humain qui soit capable de ressentir des émotions.

Loin de ces perspectives et plus proche de notre quotidien, selon vous, quels rôles le théâtre et le cinéma peuvent-ils encore jouer dans notre société actuelle marquée par les conflits de toute sorte, la violence, les enjeux financiers qui priment souvent sur la santé de notre planète et la nôtre aussi évidemment ?

Le théâtre et le cinéma, sont des outils extraordinaires et des véhicules nécessaires pour parler, défendre nos convictions, attirer l’attention et aussi se distraire. Il y a des films plus ou moins intéressants bien sûr, mais un bon film, une bonne pièce, où les gens se reconnaissent et s’identifient c’est un bon moyen de faire passer un message, de rassurer, de contribuer à montrer que les difficultés de la vie quotidienne sont connues et partagées. Il faut bien sûr que nous continuions à aller dans les salles obscures, dans les théâtres et les salles de concerts.

Merci Gérard, pour notre échange. Apprendre en se distrayant fait partie des objectifs de notre association, le cinéma, le théâtre, le spectacle sont des outils thérapeutiques formidables pour réduire la violence, rapprocher les gens, contribuer à mieux faire connaître et accepter les différences, nous rendre plus ouverts, plus compréhensifs et plus tolérants.

Merci à vous Véronique, rendez-vous le 28, je vous raconterai mon histoire.

Interview réalisée par Véronique GAESSLER

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